Mais qu'est-ce qu'un "Gaulliste"? Voilà une question qui risque de rester en suspens car (malheureusement) il n'y a pas d'organisme de certification capable de délivrer un "brevet de gaullisme".
C'est bien dommage et les grandes figures du gaullisme historique nous font beaucoup défaut. Du récemment regretté Philippe SEGUIN à Michel DEBRE en passant par Jacques CHABAN-DELMAS, Pierre GUILLAIN de BENOUVILLE et Maurice COUVE de MURVILLE, j'aurais bien aimé que ces "géants" puissent nous faire part de leurs sentiments en voyant tel ou tel se définir comme "gaulliste".
L'annonce de la création prochaine du nouveau parti politique de Dominique de Villepin a aussitôt vu ses proches utiliser les termes de "rassemblement" et "gaulliste". On n'imagine évidemment pas un nouveau parti annoncer qu'il va diviser, donc le concept de rassemblement est un terme quasi-obligé. En son temps, Jacques CHIRAC en avait fait de même en créant le RPR.
Mais l'estampille "gaulliste", c'est pour moi autre chose et je crois que cela ne se décrète pas. D'ailleurs lors du journal de France 2 de 20h00, un des proches de Villepin a affirmé: "De Gaulle est à tout le monde..." en réponse à une question sur son positionnement gaulliste. Certes, le général de brigade, l'homme du 18 juin, de la victoire, puis l'homme politique de la Vème République, du non-alignement de la France et, grâce à une vision claire de l'avenir, l'homme de l'arme atomique française qui nous permit de rester indépendants des deux blocs tout en préservant notre intégrité territoriale, certes donc cet homme-là appartient à tout le monde, comme tout personnage historique. Mais ce n'est pas pour autant que tout le monde est De Gaulle!
Le Gaullisme, bien qu'il ait vocation à transcender la classification gauche-droite, est à mon avis par essence "de droite" car il place l'Homme au centre de ses préoccupations. C'est cet Homme qui, en s'améliorant et en s'organisant, va donner une société de Liberté, d'Egalité et de Fraternité. En cela il s'oppose aux doctrines "de gauche" pour lesquelles c'est la Société qui est centrale et ses règles qui vont faire le bonheur de l'Homme, y compris d'ailleurs contre sa volonté.
Mais parce qu'il a bien conscience de la nécessité d'une justice sociale ou pénale impartiale, le Gaullisme a toujours promu un Etat fort capable d'impartialité. Cette exigence d'impartialité et d'équité impose d'une part le refus de toute forme de communautarisme et d'autre part la nécessité de "rassembler" au-delà de son propre parti. Les Gaullistes historiques ont toujours été au service de tous les Français, pas d'un clan ou d'une fraction. A noter d'ailleurs que ce refus du communautarisme, qui interdit à une minorité fût-elle agissante d'obtenir des droits exhorbitants et supérieurs à ceux de la majorité fût-elle silencieuse, impose à l'Etat la protection sans faille de ses minorités.
Sont également indissociables du Gaullisme les réalités de la Nation et de la Patrie – cette dernière étant pour moi confondue avec la Nation renforcée des liens de coeur et de sang. Ni M. GISCARD d'ESTAING, ni M. CHIRAC, ni évidemment M. SARKOZY ne peuvent être qualifiés de "gaullistes" car leurs positions sur l'Europe, de la gestion des traités à l'élargissement à des pays non européens, sont allées bien au-delà des choix raisonnables et des objectifs mesurés de Charles de GAULLE et Konrad ADENAUER. La monnaie unique n'avait pas été envisagée par les pères fondateurs de l'Europe, Maurice SCHUMANN et Jean MONNET, pas plus que par le Général lui-même. Mais il est évident pour moi que jamais cette monnaie unique n'aurai eu l'assentiment de Ch. de GAULLE car elle représente un bien trop grand abandon de souveraineté dont on voit aujourd'hui les ravages sur la P.A.C., la compétitivité de nos entreprises et la capacité de relance de notre économie entre autres. Sur ce sujet de la construction "abracadabrantesque" de l'Europe qu'on nous impose malgré un vote de refus à plus de 55%, je ne vois pas comment M. de VILLEPIN peut prétendre être "gaulliste" puisqu'il était alors aux affaires et qu'il a porté tous ces funestes projets à bout de bras.
Enfin, le "Gaullisme" tel que le Général de GAULLE le concevait était à la base la rencontre d'un homme et du peuple. C'est-à-dire l'osmose d'un élu et de ses électeurs. Or là aussi, je note un problème. M. de VILLEPIN ne s'est jamais présenté devant le suffrage de ses compatriotes. Il est, là aussi, éloigné d'un principe fondamental du Gaullisme. Ce serait quand même étrange d'élire quelqu'un à la Magistrature suprême dans ces conditions.
Ce n'est pas parce qu'un discours aux accents gaulliens est prononcé, avec brio, devant l'assemblée plénière de l'O.N.U, ni parce que l'on s'attribue le qualificatif de "gaulliste", qu'on l'est réellement. Dans la nécessaire reconquête de notre électorat comme dans son élargissement, toutes les (bonnes) volontés sont utiles. Mais dans le cas de Monsieur de VILLEPIN, il serait souhaitable qu'il clarifie voire inverse certaines de ses positions.
Commentaires
Bonjour,
A l’issue d’un travail de plusieurs années, voici dégagées certaines pistes d’analyse
de la trajectoire effectivement suivie par Charles de Gaulle :
http://youtu.be/Jo2hIRYoRW0
Je souhaite vivement que cette vidéo puisse toucher un maximum de personnes
en situation d’en tirer matière à réflexion, et, par suite, de ne pas se leurrer
exagérément sur les qualités démocratiques de la loi fondamentale
qui est censée organiser notre vie collective.
Très cordialement,
Michel J. Cuny